Votre panier est actuellement vide !
Evénements traumatiques, meurtrissures des âmes, blessures des corps, abcès purulents d’un mal aux multiples figures… Ce texte met en scène les cauchemars qui hantent l’esprit des Touaregs portant le fardeau de la mémoire. Juxtaposition de mémoires de la pénétration coloniale jusqu’aux expérimentations atomiques menées par la France au Sahara, entre 1960 et 1967 avec l’accord de l’Algérie indépendante .
Frénétique, halluciné, cathartique, délirant, le rythme de ces visions atomiques suit les ondulations de la transe jusqu’à la délivrance, à l’expulsion des scories et à la brèche ouverte par le sens retrouvé de la douleur à partager avec l’autre, l’alter ego, le compagnon qui se reconnaît dans le regard rougi et les contours meurtris des êtres, des choses, des éléments, qu’il croise en traçant son chemin dans le désert.
Arrrrget ! Rêêêêvez !
Avant le commencement,
était le rêve.
Avez-vous vu l’image
image rêve
miroir en mirage ?
En voici l’écho !
Rêve
vision rêve
voix des paysages de l’âme
brûlure carbonisée
par la soif de l’agonie.
Gerboise bleue,
et gerboise verte
née de la bleue,
gerboise violette
née de la verte,
gerboise blanche
née de la violette,
gerboise jaune
née de la blanche,
gerboise rouge
née de la jaune,
gerboise noire
née de la rouge,
gerboise blême
née de la noire
Et gerboise grise,
la neuvième
fille de la huitième
gerboise blême.
Agag gag garet !
Ce n’est plus un jeu innocent
de cache-cache
entre nature et dénature.
Pas plus qu’il ne s’agit
de trois gerboises bondissant
en épis de mirages.
Mirages bleus
mirages verts
mirages violet
avalant six gerboises
transformées en arc-en-ciel
de soufre et de mercure,
qui consument la résine
de leur propre essence.
Non, le jeu dépasse
le faux-semblant cynique,
la poésie militaire
d’ énumération et d’attribution
de matricules aux gerboises
et aux halètements hallucinés
des mirages et du vent du désert.
Nous n’en sommes plus
au temps du mythe,
allégories de la pluie et des moissons
suivies des neuf disettes.
Cette fois le déluge est d’éclairs
de tonnerres et de foudres
de magmas atomiques
et de blocs de soleil
qui se fracassent et explosent
et encore éclatent
dans un cyclone océan fou
de pétrole en flammes
qui hurle au vide mourant.
Au début des débuts,
c’était dans l’air.
Un, deux, trois,
l’espace et le temps se figèrent
et ensuite au fond de la terre :
quatre, cinq, six, sept, huit.
À la neuvième explosion,
même le chaos et l’absolu silence
s’affaissèrent
sous la poussière et sous les fumées.
Alors les jeux manies atomiques
du CEA[1] partirent à Mururoa
chez nos frères polynésiens.
Et nous,
nous les Touaregs,
nous phéromone de Satan,
d’ici jusqu’au large
du grand désert,
nous nous dressons
infiniment debout
sur la hanche du vide.
Le fait accompli,
nous allons à présent le détourner
pour libérer de leurs griffes,
les terres et les étoiles…
[1] Commissariat à l’énergie atomique
Vous devez être connecté pour publier un avis.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.