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Ecrivain et peintre touareg, Hawad est originaire de l’Aïr, massif montagneux du Sahara central. Dans son oeuvre foisonnante, s’entrecroisent divers genres littéraires – poésie, geste épique, conte philosophique, théâtre – mettant en scène des mondes « infiniment en marche » qui se rencontrent, se métamorphosent, se recomposent pour continuer leur route. Le drame et la résistance du peuple touareg ou de tout peuple menacé d’extermination émaillent l’univers de fiction de Hawad.
Seule une partie de ses textes (qu’il écrit dans sa langue, la tamajaght, et note en tifinagh, écriture des Touaregs), a été publiée en traduction. Parallèlement à son œuvre littéraire, Hawad mène un travail pictural qui relève de la même démarche : la « furigraphie », prolongeant sa philosophie de l’espace et de « l’égarement ». Hawad a exposé dans diverses villes de plusieurs continents, notamment à Paris, Toulouse, Lyon, Bruxelles, Utrecht, Brême, Casablanca, Trieste, New York, Rotterdam, Medellin…
Héritier d’une culture nomade, Hawad nous livre une expérience et une vision du monde bâties sur des notions qui traduisent toutes le mouvement, la mobilité, l’itinérance des choses et des êtres autour des points fixes que représentent, dans toutes leurs extensions métaphoriques, l’eau et l’abri.
Parmi les thèmes fondateurs, se retrouve celui de la « soif », quête philosophique qui éperonne les voyageurs cosmiques (Caravane de la soif, 1985 ; Chants de la soif et de l’égarement, 1987, Edisud ; L’Anneau-Sentier, L’Aphélie, 1992). A la recherche de l’eau, l’assoiffé sort des chemins tracés, pénètre dans le désert, perd son orientation, s’égare, divague, pour être enfin prêt à inventer sa propre route.
A la racine de cette soif, dans l’univers de Hawad, des flammes brûlent, des braises se consument, attisées par la déchirure du monde nomade, par l’oppression de son souffle, par l’étouffement de ses rêves.
Les événements tragiques qui émaillent l’histoire touarègue contemporaine s’insinuent dans la fiction. Ainsi, Testament nomade (Amara, 1987) évoque l’expulsion brutale, hors des frontières de l’Algérie, des Touaregs recensés dans d’autres Etats.
Froissevent (Blandin, 1991) est inspiré en 1984 par la débâcle des nomades cernés par la sécheresse, lorsque, entraînés dans l’exil du corps et de l’âme, ils tombèrent et s’empétrèrent dans les filets de cet « ailleurs » qui partout imposait ses limites et sa raison. La danse funèbre du soleil (L’Aphélie, 1992) anticipe douloureusement les massacres de civils touaregs perpétrés depuis 1990 au Niger et au Mali et la naissance d’une rébellion armée. Yasida (Blandin, 1991) à son tour soulève le problème de la résistance que les minoritaires, les pauvres, les exclus du monde moderne, doivent mener contre l’anéantissement qui les guette.
A l’oppression répondent plusieurs attitudes exprimant des visions contrastées du monde qu’incarnent différents personnages. Certains sont fidèles, comme les astres-poètes Kokayad et son partenaire antithétique Porteur-de-la-Nuit, ou encore le vieil aveugle Imollen, le forgeron Awjembak, la prêtresse Chaïma, qui hantent les différentes intrigues, qu’elles se déroulent dans le désert minéral ou dans celui des cités modernes.
Quel que soit le débat, la pluralité des choix se traduit en joutes animées où s’entrecroisent les vérités contradictoires des acteurs, en définitive arrasées par les balances du cosmos. La dérision des actions et des certitudes de l’homme, « petit grain dans les vagues de dune », transparaît toujours en filigrane dans cette oeuvre où seuls les aveugles et les marginaux apparaissent doués de clairvoyance, dépassant les antagonismes de ce bas-monde pour assumer le rôle de médiateurs entre les univers, comme l’illustre par exemple la figure androgyne d’Isralestine née de la danse fusionnelle entre Ouma Moussa la stérile et le vieux bédouin Abou Elqadous (Yasida, 1991).
Loin des dogmes et de l’ordre établi, le voyageur va trouver son chemin en « s’égarant ». Ainsi, Tégézé, le héros de L’Anneau-sentier, harcelé par la soif de comprendre, transgresse le sens immuable du flux nomade et tente d’en remonter le courant jusqu’à la source, pour finalement se heurter à « ce que son regard n’osait affronter ».
Cette étape de vérité – qui oblige à une remise en cause des valeurs et des références servant de bouclier entre soi et le réel – est l’initiation cathartique que subit Froissevent pour renaître de sa dépouille de chef fantoche ; ou encore Kokayad, rendu à sa vocation anarchiste par sa cousine Yasida, prostituée des bas-fonds de New York ; ou bien l’homme-cheval dans le Coude grinçant de l’anarchie ; ou la Voix-de-son-double et l’Echo-de-l’envers, deux faces du même personnage qui fusionnent dans Sahara. Visions atomiques pour détourner la douleur de la destruction de soi…
L’auteur prolonge cette démarche philosophique de « l’égarement » dans son écriture en la dégageant des contraintes prosodiques de la poésie touarègue, en s’éloignant des styles et des thèmes classiques, en refusant certaines métaphores qui se réfèrent au monde perdu.
Procédant de la même recherche, la « furigraphie » de Hawad crée des images au-delà du miroir tracé par les lettres, au-delà des messages traduits par le langage, conduisant à un état d’engouement minéral d’où le sens établi est exclu : « Tel une pierre jetée dans l’eau dont les ondes multiples révèlent le miroir d’un autre espace, le trait est une petite tache, une balise qui laisse soupçonner l’invisible » (Horizon van een Nomade, Nominoë, Rotterdam, 1993).